L’Europe à l’heure du choix
Pour qu’Alexei Kudrin, le ministre des finances de la Russie, en vienne à prendre la parole comme il l’a fait samedi dernier pour appeler les européens à se sortir de la crise, il faut que la situation soit explosive. Et alors que la Grèce n’a qu ‘en partie appliqué les exigences du premier accord européen, les avocats de l’euro arrivent à court d’arguments et d’idées. L’Allemagne est plus que sceptique sur la poursuite de l’effort en faveur de la Grèce et les marchés réagissent en sanctionnant les banques européennes. Quelles options sont encore disponibles ?
Le chaos dans lequel se trouve la zone euro actuellement s’explique par un manque total de politique européenne, politique que Kudrin appelle de ses vœux. Ben Bernanke l’a bien indiqué dans son dernier discours annuel à la FED : les banques centrales font ce qu’elles peuvent mais ce sont les politiques qui doivent agir. Le rapport de la visioconférence entre Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et Georges Papandréou, qui indiquait la volonté ferme du couple franco-allemand d’aider la Grèce et de veiller à ce que le pays applique les mesures de rigueur, a d’ailleurs calmé les marchés pour un temps. Il était temps car selon des documents de l’Union européenne, une nouvelle crise du crédit pourrait bel et bien voir le jour en Europe. En effet, les banques sont maintenant attaquées au prétexte qu’elles possèdent des avoirs dans les pays en crise, et ce, de manière illogique. On a ainsi pu voir une banque comme la Société Générale perdre 10% de sa valeur en bourse alors qu’elle avait parfaitement réussi les tests sous pressions garantissant sa solidité. Une fois de plus, la panique a été causée par une dégradation de sa note par les agences de notation.
Un risque de cercle vicieux entre les dettes des États, les investissements des banques et une croissance en berne existe. Pire, les banques européennes ont plus de mal à trouver des liquidités aujourd’hui qu’en 2008-2009. Certaines n’arrivant plus à accéder aux financements de leurs homologues américaines. Et les banques ne sont pas les seules à prendre des précautions : la Chine a récemment déclaré qu’elle n’achèterai de la dette italienne que sous certaines conditions.
Dans ce contexte difficile, de grandes masses d’opinions et des dogmes bougent.
Le chef économiste de la BCE, l’allemand Jürgen Stark, a démissionné en protestation contre ce que beaucoup d’allemands considèrent comme de l’acharnement thérapeutique. Même s’il est contredit par de nombreux politiques d’envergure en Allemagne, l’idée que le pays adopte le projet de mutualisation des dettes (ou « eurobounds ») est difficile à imaginer. Que faire alors ? Dévaluer l’euro? Mais par rapport à qui ? Le dollar, volontairement dévalué par les États-Unis depuis trente ans pour conserver leur compétitivité ? Ou par rapport au yuan qui fait la même chose ? Ce qui est certain c’est qu’aujourd’hui l’Europe est à une époque charnière qui verra son fédéralisme émerger (avec les eurobonds) ou au contraire avorter. Cette période est la plus propice : comme le disait Jean Monnet : « Les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise. ».